Réflexion autour du « délit de faciès ».

L’habit ne fait pas le moine. Le visage ne fait pas le criminel.
Avec la mort d’Adama Traoré lors de son interpellation par la police le 19 juillet 2016 près de Paris, et celle de George Floyd pendant son arrestation à Minneapolis le 25 mai 2020, les manifestations se sont multipliées dans de nombreux pays de la planète pour dénoncer les délits de faciès, les discriminations et les violences policières envers les minorités ethniques.
Les barbus sont-ils aussi concernés par ces discriminations ? Après les attentats du 13 novembre 2015 à Paris, perpétrés par l’État Islamique, de nombreux porteurs de barbe se sont sentis observés, jugés, suspectés de radicalisme islamique. Ne s’agit-il pas là aussi d’un délit de faciès ?
Ces bavures policières comme les réactions populaires post-attentats prouvent une chose : il est difficile de s’affranchir de préjugés souvent dictés de façon inconsciente. Si certains policiers réalisent des contrôles d’identités en ciblant volontairement l’apparence des personnes, il est probable que la plupart d’entre eux le font même sans aucune intention raciste consciente.
Pourtant, les conséquences de ce profilage ethnique, en plus d’être illégal, sont multiples. Elles sont psychologiques, d’une part, avec la répétition d’expériences traumatisantes telles qu’un contrôle d’identité sur la voie publique aux yeux de tous. Les relations entre les groupes communautaires concernés et l’État s’en trouvent dégradées. D’autre part, le délit de faciès mène à un traitement inéquitable des citoyens : un criminel dont le faciès n’est pas ciblé par la police aura plus de chances d’échapper à une arrestation.
Quelles solutions apporter au problème ? Un renforcement de la formation de la police sur la question ne saurait être qu’un premier pas. Il est surtout indispensable de faire évoluer les préjugés inconscients, et donc les mentalités. Cela peut doit passer par une répression plus sévère des cas de racisme et de discrimination avérés, qu’ils soient au sein de la police ou de la population. Mais une représentation équitable des minorités visibles dans les médias, dans les œuvres d’art, parmi les politiques et hauts-fonctionnaires est aussi absolument nécessaire. Faut-il alors imposer une discrimination positive, en favorisant l’accès à certains postes à des personnes issues de minorités sous-représentées ? Ce n’est sûrement pas une réponse absolue, puisqu’elle est elle-même discriminante. Ces mesures devraient plutôt être fondées sur des critères sociaux. Elles le sont déjà en France, par exemple avec des mesures de priorisation de l’éducation dans certains territoires, mais pourraient être renforcées.
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